Nessma: la dette qu’elle gagne à honorer

Il semble que pour Nessma Tv la Tunisie se limite à deux ou trois quartiers huppés de la proche banlieue de la capitale, et à une espèce mal sevrée d’un Occident qui ne veut pas d’elle, nécessairement minoritaire. L’arrière-pays, la Tunisie profonde, arabophone n’apparaît pas sur l’écran de son radar. Ses animateurs, par leur accoutrement, leurs manières surfaites, leur accent et intonation quasi robotiques, leur jargon ésotérique et leur allergie manifeste pour la langue et la culture «indigène», ressemblent à des créatures descendant d’une autre planète, auxquelles il ne manquerait que des ailes.

Quand il m’arrive parfois de regarder ses émissions, j’ai la nette impression qu’il s’agit d’une chaîne offshore totalement exportatrice nulle-part, dont la production est exclusivement destinée à des non-résidents que des accidents de l’histoire et la misère de pays voisins du pourtour méditerranéen ont jadis fait échouer parmi nous. On en est à se demander dans quel projet néo… ce submersible culturel s’inscrit, et pour quels intérêts il rode dans nos eaux.

Etant donné la suite d’extravagances dont elle risque d'inonder quotidiennement le paysage audiovisuel, il est presque certains que la part, aussi maigre soit-elle, que lui concèdent les instituts de sondage, et dont ses «managers» font mine, ce ramadan, de s’offusquer, cette chaîne ne la doit qu’à la providence. Tant qu’ils n’auront pas fourni des statistiques certifiées de leur audimat au Maroc, en Algérie et en Europe, leur acharnement contre les sondeurs tunisiens, à lui seul, ne leur sera d’aucun secours.

L’appui franc et massif dont s’en est enorgueilli Tarek Ben Ammar à sa sortie de l’audience que vient de lui accorder le Chef de l’Etat, constitue une immense dette contractée à l’égard de ce grand et éminent promoteur de l’intégration maghrébine, qu’est notre Président. Une dette que Nessma Tv gagnerait à honorer sans plus tarder. Elle devrait à la fois relayer l’élan d’intégration qui anime profondément les peuples maghrébins, et suppléer et préparer l’indispensable sursaut qui fait, hélas, encore défaut aux politiques officielles de certains gouvernements de la région.

Cela nécessite autre chose que le tapage de mauvais goût auquel nous assistons, impuissants et indignés, aujourd’hui. Une télévision interactive, réellement bilingue, arabe et français, reflétant l’état d’esprit et les opinions sur les problèmes de l’heure, par les tribunes qu’elle offre, et les fora qu’elle organise, se faisant ainsi le vecteur de notre civilisation et de notre patrimoine, et le porte parole de nos intérêts et de nos causes vers l’extérieur. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que la manne publicitaire peut se mériter, manne, que Tarek Ben Ammar qualifie à juste titre comme le nerf de la guerre, dont le dispensateur en dernière analyse n’est autre que le citoyen contribuable, destinataire des services de nos médias.

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