Maman sait que tu regardes du porno ?
80% des garçons et 45% des filles de 14-18 ans ont déjà vu un film pornographique. Des parents ont créé des sites pour nouer le dialogue.
La scène se passe un après-midi, dans un quartier résidentiel. Invités chez une camarade de classe avec leurs parents, quatre garçons de 12 ans pianotent sur un ordinateur dans le salon en rigolant. Quand Lucile, 12 ans, s'approche du petit groupe, elle découvre sur l'écran des images pornographique et file à la cuisine où discutent ses parents.
Cette situation n'est pas rare. S'ils sont connus, les chiffres continuent à donner le vertige. Selon une enquête du CSA, 62% des 14-18 ans -dont 80% des garçons et 45% des filles- ont vu au moins un film porno sur Internet ou à la télévision au cours de l'année passée. Un tiers de garçons de 15 ans ont même vu au moins dix films pornos dans l'année! Une étude internationale réalisée l'an dernier montre que les mots «sex» ou «porn» arrivent en quatrième et cinquième place des recherches chez les ados, y compris pour la tranche 8-12 ans.
Face à ce phénomène, démultiplié par la facilité d'accès, la rapidité et la violence des images sur Internet -266 sites pornographiques sont créés chaque jour sur le Net à travers le monde-, de nombreux parents sont désemparés. «Il y a deux cas de figure: soit le jeune tombe sans le chercher sur des images pornographiques, et il en retire une culpabilité importante, explique Béatrice Copper-Royer, psychologue. Ou alors entre 13 et 14 ans, beaucoup de garçons regardent sciemment ces films. Ces images très crues, parfois violentes, ont un effet perturbateur, notamment sur leur image de la femme.» Antoine, 17 ans, n'est pas de cet avis. «On regarde ça par curiosité! Mais la plupart d'entre nous savent bien que ce n'est pas la réalité!»
Risque d'addiction
Justine Atlan, directrice de l'Association e-enfance, qui agit pour la protection de l'enfance sur Internet (*), estime pour sa part qu'«il ne faut pas banaliser ce phénomène ! Rappelons que la pornographie est interdite aux mineurs. On peut filtrer efficacement avec le contrôle parental. Même si les ados vont ailleurs, cela a le mérite de poser un interdit». De son côté, le gynécologue et andrologue Sylvain Mimoun reste mesuré. «Quoi que l'on fasse, les ados verront ces images… Il faut dédramatiser: ce n'est pas catastrophique non plus! Le risque reste cependant celui de l'addiction, où le jeune, timide, préfère rester devant son écran à regarder ce type d'images. C'est pourquoi il est indispensable d'entamer un dialogue.»
C'est bien là le problème. Car, pour de nombreux parents, ce dialogue est loin d'être évident, entre respect, compréhension et autorité. Le pire cas de figure, selon Sylvain Mimoun, est celui d'un père qui établit des relations de connivence avec son fils ado, quand, vers 45 ans, fraîchement divorcé, il découvre une nouvelle liberté affective… Or les messages destinés aux ados, notamment au collège et au lycée, sont très axés sur la prévention. Ce qui est loin d'être un luxe à une époque où 15.000 mineures avortent chaque année.
Pour proposer une alternative, quatre familles ont lancé cet été un site Web afin d'expliquer aux ados que ce qu'ils voyaient sur le Web n'était pas la réalité des relations amoureuses. Appelé educationsensuelle.com, ce site, payant, est axé sur la sensualité, la découverte et le respect du corps de l'autre, via des vidéos, des interviews et un forum.
Les intervenants sont variés: des psychologues, le pédiatre Christian Spitz, le fameux «Doc», des gynécologues et même un acteur de film porno! «Nous ne voulons diffuser aucun message de jugement ni de culpabilité sur la pornographie, explique Virginie Barbet, l'une des fondatrices du site. Au travers de 80 films et vidéos d'expert, il s'agit de diffuser un autre message et de réparer les fausses images que les ados ont de la sexualité et de la relation à l'autre.»
Un autre site, intitulé educationsexuelle.com, destiné aux parents, donne des clés pour dialoguer. Des initiatives que ces parents ont financées eux-mêmes, en attendant des relais…
De son côté, l'Apel (Association des parents d'élèves de l'enseignement libre) organise le samedi 16 octobre à Paris un colloque sur le thème: «Apprendre à aimer: comment parler d'amour à nos enfants?» Si des conférences sont organisées régulièrement sur le sujet dans de nombreux établissements privés, il s'agit du premier colloque national. De quoi susciter des débats au sein des familles.
Source : Le figaro
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