Michael Jackson comme on ne l'a jamais vu


«Pour eux, j’étais un charlot, le énième caprice de Michael. Sony n’avait pas le choix. Par contrat, la maison de disque, devait produire une pochette par an… Michael exigeait que je revisite le visuel de la cape d’or pour son prochain album, “Invincible”. » Jusqu’au dernier moment, Arno Bani a cru à une blague. Même lorsqu’on lui a remis un billet aller-retour pour New York à l’invitation du chanteur. A l’aéroport Kennedy, le type en costume tenant une pancarte à son nom qui le pousse vers la limousine a l’air si sérieux que, là, il commence à y croire.

La suite réservée au Waldorf Astoria, où la star loue la moitié d’un étage à l’année, finira de le convaincre. Mais le lendemain, le déjeuner face à un ponte d’Epic Records, le label du chanteur, est glacial. Avant de le laisser aux sbires de la sécurité, ce sexagénaire élégant jette un cil dédaigneux sur le bermuda de skater que porte ce Français de 23 ans. Et lâche : « Tu vas rencontrer Michael Jackson cet après-midi. A partir de maintenant, tu oublies tout. Sinon… »

Le supplément mode du «Sunday Times»
du 11 avril 1999 avec Astrid Munoz en couverture.

Avec les gorilles, Arno patiente dans une antichambre. Ensuite, « on me fait avancer dans un couloir, on frappe à une porte, c’est “Lui” qui ouvre… Il me serre dans ses bras, dix fois, et d’une voix douce et fluette me remercie d’être là ». ­Michael apparaît sans maquillage. « Il porte un pyjama de soie couleur lie-de-vin. » Cet être ne semble « pas tout à fait humain. Il est unique, à la fois impressionnant et d’emblée ­attendrissant », raconte Bani. Ce qui le frappe, ce sont deux yeux immenses, noirs et magnifiques, plantés dans un visage statique, érodé à force de chirurgie esthétique. Et aussi cette coiffure bizarre faite de « plusieurs perruques » juxtaposées. Michael Jackson marche – glisse serait un terme plus exact – sur l’épaisse moquette de sa suite au décor classique. Ecrans plasma et consoles de jeu sont les seules concessions à l’enfance.

Le roi de la pop, comme un gamin, applaudit, se lève et sautille: «I like it!»

Arno étale son book par terre et baragouine en mauvais anglais. Malgré la timidité, l’alchimie opère. Michael caresse les pages, applaudit doucement quand il aime, comme un gamin dépourvu de langage. Il dit « I like it, I like it », se lève et sautille. Les bodyguards, la directrice artistique, l’aréopage des conseillers ne bronchent pas. Arno lui confie qu’il habite Paris, il est ému de le rencontrer. Après d’infinies courbettes, la star le laisse filer.

Dans le plus grand secret ­imposé par Sony, Arno Bani constitue son équipe : des gamins, comme lui. Ils planchent sur des croquis, ­courent les bureaux de presse, les boutiques de luxe. Cinq ou six fois, ­durant ces trois mois de stress et de préparatifs, Arno retourne à New York. « Je revenais à Paris, je travaillais, je renvoyais des choses. Pendant des jours, je n’avais pas de nouvelles, chaque fois je me disais que tout était à l’eau… » Mais chaque fois un nouveau rendez-vous tombe. Toujours au Waldorf Astoria, toujours selon le même rituel. Les gens de Sony ont l’air de plus en plus agacés par ce jeune Français qui ramène à la star des habits « couture » à 15 000 euros. Michael aime tout, est d’accord sur tout. Il demande à Arno de penser d’autres scénarios, d’autres images, une ­série inspirée de Fred Astaire… « Il disait même qu’il voulait que je m’occupe de son look pour les dix prochaines années… »

Michael admire les maquettes, plonge ses mains dans les pots de paillettes qu’Arno répand sur la moquette. « Oh yeah, yeah ! » s’exclame ­Michael en battant des mains. Aligné en rang d’oignons, son entourage : coiffeur, styliste, maquilleur, maison de disques, assistants. La star ne leur adresse jamais la parole, mais ils consignent soigneusement, chacun sur son petit carnet, le moindre de ses émois. « Je recevais chaque fois à mon retour leur débriefing écrit : Michael a aimé le bleu, on pense qu’il a bien aimé ça aussi… Je le savais déjà, lui d’un geste me l’avait fait comprendre. C’était une cour inutile, où chacun, pour justifier son rôle, nous faisait perdre du temps. »

Le jeune photographe propose au roi de la pop de lui couper les cheveux

Quand Arno propose à ­Michael de couper ses cheveux, tous le regardent l’air de dire : ­comment oses-tu ? Oui, il ose. Dire à Michael que ses fausses mèches sont moches. Il lui montre des photos de coupes au bol, des trucs des années 70, façon Courrèges ou Vidal Sassoon. La cour pense qu’il signe là son arrêt de mort, mais Michael acquiesce : « OK, je le fais. » Personne ne le contredit. Jamais. Au dernier rendez-vous, on exige une liste de tous les produits de maquillage qui seront utilisés, afin de faire procéder à des tests en laboratoire et de s’assurer qu’ils ne provoqueront aucune allergie.

Pour le shooting, on a pensé à Los Angeles, New York, Miami et même Disneyland Paris. Ce sera ­finalement à Paris, fin juillet 1999. Le cahier des charges est digne d’une superproduction hollywoodienne. La maison de disques s’étrangle en voyant arriver les ­factures. Le studio doit être assez grand pour y faire pénétrer une voiture et permettre une évacuation en hélicoptère. Chez Duran Duboi, à Issy-les-Moulineaux, Arno Bani fait préparer dix studios photo, dix univers différents et cloisonnés. Il faut une salle de jeux pour les enfants, et une loge en dur pour que la star n’ait jamais à croiser d’étranger dans les couloirs. La veille, une séance d’essayage se tient dans la suite du chanteur à l’hôtel Plaza Athénée, avenue Montaigne.

Cette nuit-là, Michael se fait ouvrir le rayon de jouets au sous-sol de la Samaritaine. Le lendemain, alors que toute l’équipe attend ­fébrile sur le plateau, il ne vient pas. Le rendez-vous est reporté au surlendemain vers 9 heures du matin. Deux heures plus tard, par talkie, Arno apprend que « l’Autorité », le nom de code de Jackson, « vient de quitter son palace », « roule sur le périphérique », « fait demi-tour pour semer les paparazzis »… Les deux énormes portes de fer du hangar ­industriel s’écartent enfin devant l’imposante BMW blindée. Arno a pour consigne de se tenir seul au milieu de cet immense espace. ­Retranchée derrière un rideau noir, toute l’équipe retient son souffle. Certains ont percé des ­petits trous pour entrevoir Jackson.

Selon le ­scénario dicté, Arno se ­dirige vers la portière, l’ouvre. ­Michael sort le premier, « en tenue plutôt sport », suivi de Prince Michael et de Paris. Il étreint le photographe. « Michael, thank you for coming, welcome, welcome », répète Arno. Les seules personnes autorisées à approcher sont le coiffeur, le maquilleur et les deux stylistes, parmi lesquels ­Jérôme Dreyfuss, aujourd’hui star de la maroquinerie de luxe. Sitôt leur tâche accomplie, ils ont l’obligation de se retirer.

Tantôt éteint, tantôt excité, les humeurs de la star oscillent

Seb Bascle, le coiffeur, est le premier à lui être présenté. Ce grand gaillard de 35 ans n’est pas du genre à se laisser impressionner. C’est ce qu’il disait avant d’avoir entre ses mains la tête du « roi de la pop ». Un côté du crâne du chanteur est entièrement chauve à cause d’une grave brûlure dont il a été victime pendant le tournage d’une publicité en 1984. Il y dépose vite fait une base de perruque préparée d’avance à la longueur voulue. Puis taille dans ses vrais cheveux,
longs jusqu’à l’épaule. Michael ne fait aucun commentaire. A l’heure du ­repas, réfugié dans son « périmètre », on lui sert un menu spécial. Les humeurs de la star oscillent : « Soit éteint, dans un état second, une sorte de torpeur, de longue méditation, soit littéralement excité, chaque fois qu’on se remet à travailler, comme s’il se rallumait. » ­

Branché sur une radio qui distille des vieux tubes français, ­Topolino ­attaque le maquillage. Il faut au moins deux heures pour « reconstruire » le visage avant d’attaquer le vrai travail créatif. ­Michael Jackson reste de marbre : « Je n’avais jamais vu ça. N’importe qui commence à se gratter, se tortiller… Lui pouvait rester des heures à se fixer dans le miroir sans bouger d’un millimètre. » « Daddy, you look great », s’enthousiasme Prince ­Michael en passant. La star sourit. Mais quand le gamin s’agite, le père claque dans les doigts et intime un « stop » qui le fait aussitôt filer droit. Un air de Joe Dassin lui arrache un « oh yeah » et quelques gestes ­aériens, puis de nouveau son visage se fige. Topolino lui souffle des paillettes à la face. L’entourage s’en plaint à Arno.

Pendant la séance, la grâce de Michael Jackson est sans pareille

Le shooting démarre par la photo à la cape d’or, la moins classique, celle dont Michael rêve depuis le premier jour. Pour l’arrière de la pochette du disque, de dos, il dort sur cette lune qui lui a inspiré son célèbre moonwalk. Musique classique en fond sonore : Michael occupe l’espace, flotte, enchaîne des mouvements saccadés dont il est le seul à connaître le secret. Sa grâce est sans pareille. Arrive le deuxième soir… Une dernière fois, toute l’équipe est priée de se glisser ­derrière le grand rideau noir. Arno, exténué, ramène Michael à la berline blindée. « It was so nice, thank you, thank you everybody », murmure la star. Les portes de fer se referment. Bani et ses amis se ­sautent dans les bras.

En partant sur son scooter, derrière les grilles d’enceinte du studio, le photo­graphe découvre des monticules de dessins, de fleurs et de banderoles abandonnés par les fans. « Une gigantesque manifestation s’était tenue là sans même qu’on s’en aperçoive… »

Après avoir reçu les planches-contacts, Michael appellera Arno une fois : « C’était si agréable de travailler avec toi… » En 2001, « Invincible » sort. Ce ne sont pas les images d’Arno Bani qui illustrent la pochette. Par contrat, le photographe s’est engagé à en abandonner les droits pour dix ans à Sony. Il ne peut rien en faire, juste les déposer dans le coffre d’une banque en attendant des nouvelles de Michael Jackson. Il n’en aura jamais. C’est en apprenant sa mort, le 25 juin 2009, que le photographe réalise que, depuis à peine un mois, ces images inédites sont redevenues siennes

«Pour eux, j’étais un charlot, le énième caprice de Michael. Sony n’avait pas le choix. Par contrat, la maison de disque, devait produire une pochette par an… Michael exigeait que je revisite le visuel de la cape d’or pour son prochain album, “Invincible”. » Jusqu’au dernier moment, Arno Bani a cru à une blague. Même lorsqu’on lui a remis un billet aller-retour pour New York à l’invitation du chanteur. A l’aéroport Kennedy, le type en costume tenant une pancarte à son nom qui le pousse vers la limousine a l’air si sérieux que, là, il commence à y croire.

La suite réservée au Waldorf Astoria, où la star loue la moitié d’un étage à l’année, finira de le convaincre. Mais le lendemain, le déjeuner face à un ponte d’Epic Records, le label du chanteur, est glacial. Avant de le laisser aux sbires de la sécurité, ce sexagénaire élégant jette un cil dédaigneux sur le bermuda de skater que porte ce Français de 23 ans. Et lâche : « Tu vas rencontrer Michael Jackson cet après-midi. A partir de maintenant, tu oublies tout. Sinon… »

Le supplément mode du «Sunday Times»
du 11 avril 1999 avec Astrid Munoz en couverture.

Avec les gorilles, Arno patiente dans une antichambre. Ensuite, « on me fait avancer dans un couloir, on frappe à une porte, c’est “Lui” qui ouvre… Il me serre dans ses bras, dix fois, et d’une voix douce et fluette me remercie d’être là ». ­Michael apparaît sans maquillage. « Il porte un pyjama de soie couleur lie-de-vin. » Cet être ne semble « pas tout à fait humain. Il est unique, à la fois impressionnant et d’emblée ­attendrissant », raconte Bani. Ce qui le frappe, ce sont deux yeux immenses, noirs et magnifiques, plantés dans un visage statique, érodé à force de chirurgie esthétique. Et aussi cette coiffure bizarre faite de « plusieurs perruques » juxtaposées. Michael Jackson marche – glisse serait un terme plus exact – sur l’épaisse moquette de sa suite au décor classique. Ecrans plasma et consoles de jeu sont les seules concessions à l’enfance.

Le roi de la pop, comme un gamin, applaudit, se lève et sautille: «I like it!»

Arno étale son book par terre et baragouine en mauvais anglais. Malgré la timidité, l’alchimie opère. Michael caresse les pages, applaudit doucement quand il aime, comme un gamin dépourvu de langage. Il dit « I like it, I like it », se lève et sautille. Les bodyguards, la directrice artistique, l’aréopage des conseillers ne bronchent pas. Arno lui confie qu’il habite Paris, il est ému de le rencontrer. Après d’infinies courbettes, la star le laisse filer.

Dans le plus grand secret ­imposé par Sony, Arno Bani constitue son équipe : des gamins, comme lui. Ils planchent sur des croquis, ­courent les bureaux de presse, les boutiques de luxe. Cinq ou six fois, ­durant ces trois mois de stress et de préparatifs, Arno retourne à New York. « Je revenais à Paris, je travaillais, je renvoyais des choses. Pendant des jours, je n’avais pas de nouvelles, chaque fois je me disais que tout était à l’eau… » Mais chaque fois un nouveau rendez-vous tombe. Toujours au Waldorf Astoria, toujours selon le même rituel. Les gens de Sony ont l’air de plus en plus agacés par ce jeune Français qui ramène à la star des habits « couture » à 15 000 euros. Michael aime tout, est d’accord sur tout. Il demande à Arno de penser d’autres scénarios, d’autres images, une ­série inspirée de Fred Astaire… « Il disait même qu’il voulait que je m’occupe de son look pour les dix prochaines années… »

Michael admire les maquettes, plonge ses mains dans les pots de paillettes qu’Arno répand sur la moquette. « Oh yeah, yeah ! » s’exclame ­Michael en battant des mains. Aligné en rang d’oignons, son entourage : coiffeur, styliste, maquilleur, maison de disques, assistants. La star ne leur adresse jamais la parole, mais ils consignent soigneusement, chacun sur son petit carnet, le moindre de ses émois. « Je recevais chaque fois à mon retour leur débriefing écrit : Michael a aimé le bleu, on pense qu’il a bien aimé ça aussi… Je le savais déjà, lui d’un geste me l’avait fait comprendre. C’était une cour inutile, où chacun, pour justifier son rôle, nous faisait perdre du temps. »

Le jeune photographe propose au roi de la pop de lui couper les cheveux

Quand Arno propose à ­Michael de couper ses cheveux, tous le regardent l’air de dire : ­comment oses-tu ? Oui, il ose. Dire à Michael que ses fausses mèches sont moches. Il lui montre des photos de coupes au bol, des trucs des années 70, façon Courrèges ou Vidal Sassoon. La cour pense qu’il signe là son arrêt de mort, mais Michael acquiesce : « OK, je le fais. » Personne ne le contredit. Jamais. Au dernier rendez-vous, on exige une liste de tous les produits de maquillage qui seront utilisés, afin de faire procéder à des tests en laboratoire et de s’assurer qu’ils ne provoqueront aucune allergie.

Pour le shooting, on a pensé à Los Angeles, New York, Miami et même Disneyland Paris. Ce sera ­finalement à Paris, fin juillet 1999. Le cahier des charges est digne d’une superproduction hollywoodienne. La maison de disques s’étrangle en voyant arriver les ­factures. Le studio doit être assez grand pour y faire pénétrer une voiture et permettre une évacuation en hélicoptère. Chez Duran Duboi, à Issy-les-Moulineaux, Arno Bani fait préparer dix studios photo, dix univers différents et cloisonnés. Il faut une salle de jeux pour les enfants, et une loge en dur pour que la star n’ait jamais à croiser d’étranger dans les couloirs. La veille, une séance d’essayage se tient dans la suite du chanteur à l’hôtel Plaza Athénée, avenue Montaigne.

Cette nuit-là, Michael se fait ouvrir le rayon de jouets au sous-sol de la Samaritaine. Le lendemain, alors que toute l’équipe attend ­fébrile sur le plateau, il ne vient pas. Le rendez-vous est reporté au surlendemain vers 9 heures du matin. Deux heures plus tard, par talkie, Arno apprend que « l’Autorité », le nom de code de Jackson, « vient de quitter son palace », « roule sur le périphérique », « fait demi-tour pour semer les paparazzis »… Les deux énormes portes de fer du hangar ­industriel s’écartent enfin devant l’imposante BMW blindée. Arno a pour consigne de se tenir seul au milieu de cet immense espace. ­Retranchée derrière un rideau noir, toute l’équipe retient son souffle. Certains ont percé des ­petits trous pour entrevoir Jackson.

Selon le ­scénario dicté, Arno se ­dirige vers la portière, l’ouvre. ­Michael sort le premier, « en tenue plutôt sport », suivi de Prince Michael et de Paris. Il étreint le photographe. « Michael, thank you for coming, welcome, welcome », répète Arno. Les seules personnes autorisées à approcher sont le coiffeur, le maquilleur et les deux stylistes, parmi lesquels ­Jérôme Dreyfuss, aujourd’hui star de la maroquinerie de luxe. Sitôt leur tâche accomplie, ils ont l’obligation de se retirer.

Tantôt éteint, tantôt excité, les humeurs de la star oscillent

Seb Bascle, le coiffeur, est le premier à lui être présenté. Ce grand gaillard de 35 ans n’est pas du genre à se laisser impressionner. C’est ce qu’il disait avant d’avoir entre ses mains la tête du « roi de la pop ». Un côté du crâne du chanteur est entièrement chauve à cause d’une grave brûlure dont il a été victime pendant le tournage d’une publicité en 1984. Il y dépose vite fait une base de perruque préparée d’avance à la longueur voulue. Puis taille dans ses vrais cheveux,
longs jusqu’à l’épaule. Michael ne fait aucun commentaire. A l’heure du ­repas, réfugié dans son « périmètre », on lui sert un menu spécial. Les humeurs de la star oscillent : « Soit éteint, dans un état second, une sorte de torpeur, de longue méditation, soit littéralement excité, chaque fois qu’on se remet à travailler, comme s’il se rallumait. » ­

Branché sur une radio qui distille des vieux tubes français, ­Topolino ­attaque le maquillage. Il faut au moins deux heures pour « reconstruire » le visage avant d’attaquer le vrai travail créatif. ­Michael Jackson reste de marbre : « Je n’avais jamais vu ça. N’importe qui commence à se gratter, se tortiller… Lui pouvait rester des heures à se fixer dans le miroir sans bouger d’un millimètre. » « Daddy, you look great », s’enthousiasme Prince ­Michael en passant. La star sourit. Mais quand le gamin s’agite, le père claque dans les doigts et intime un « stop » qui le fait aussitôt filer droit. Un air de Joe Dassin lui arrache un « oh yeah » et quelques gestes ­aériens, puis de nouveau son visage se fige. Topolino lui souffle des paillettes à la face. L’entourage s’en plaint à Arno.

Pendant la séance, la grâce de Michael Jackson est sans pareille

Le shooting démarre par la photo à la cape d’or, la moins classique, celle dont Michael rêve depuis le premier jour. Pour l’arrière de la pochette du disque, de dos, il dort sur cette lune qui lui a inspiré son célèbre moonwalk. Musique classique en fond sonore : Michael occupe l’espace, flotte, enchaîne des mouvements saccadés dont il est le seul à connaître le secret. Sa grâce est sans pareille. Arrive le deuxième soir… Une dernière fois, toute l’équipe est priée de se glisser ­derrière le grand rideau noir. Arno, exténué, ramène Michael à la berline blindée. « It was so nice, thank you, thank you everybody », murmure la star. Les portes de fer se referment. Bani et ses amis se ­sautent dans les bras.

En partant sur son scooter, derrière les grilles d’enceinte du studio, le photo­graphe découvre des monticules de dessins, de fleurs et de banderoles abandonnés par les fans. « Une gigantesque manifestation s’était tenue là sans même qu’on s’en aperçoive… »

Après avoir reçu les planches-contacts, Michael appellera Arno une fois : « C’était si agréable de travailler avec toi… » En 2001, « Invincible » sort. Ce ne sont pas les images d’Arno Bani qui illustrent la pochette. Par contrat, le photographe s’est engagé à en abandonner les droits pour dix ans à Sony. Il ne peut rien en faire, juste les déposer dans le coffre d’une banque en attendant des nouvelles de Michael Jackson. Il n’en aura jamais. C’est en apprenant sa mort, le 25 juin 2009, que le photographe réalise que, depuis à peine un mois, ces images inédites sont redevenues siennes.

Source : paris match

Commentaires

Articles les plus consultés